GENDERINVESTIGATION

Baltazar Atangana : Il est crucial de renforcer les capacités du personnel en abordant des thématiques telles que la planification stratégique sensible au genre…

Bien qu’elles aient évolué ces 10 dernières années pour intégrer la perspective de genre et promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, les politiques de développement en Afrique, notamment au Cameroun, ne tiennent pas compte des besoins spécifiques des différents groupes (femmes, jeunes filles, personnes handicapées etc.) pour mieux mener des actions adaptées et avec un impact réel sur les communautés. Tour d’horizon avec, Baltazar Atangana, Expert en genre qui explore également le rôle de la Société civile et mouvements féministes dans la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes dans un contexte de changement climatique. Expérimenté en financements climatiques et transition écologique, il est également Contributeur dans plusieurs études dont « Ce qu’il faut questionner afin de mieux financer les organisations de femmes d’Afrique Centrale et de l’Ouest » (2024) et auteur de nombreuses publications dont la plus récente est : « Lutte de Femmes » (2025).

Quels sont les principaux défis que les femmes rencontrent dans l’accès aux ressources économiques et politiques au Cameroun et en Afrique ?

Les femmes en Afrique, notamment au Cameroun, sont confrontées à des obstacles structurels et socioculturels qui limitent leur accès aux ressources économiques et politiques. Les femmes africaines ne représentent que 24% des parlementaires en Afrique subsaharienne, elles ont souvent des difficultés à accéder à l’éducation et à la formation ; ce qui limite leurs capacités à participer à l’économie et à la vie politique. De plus, les stéréotypes et les normes sociales patriarcales perpétuent l’idée que les femmes sont inférieures aux hommes et que leur rôle se limite à la sphère domestique. D’ailleurs, ces dernières années, des slogans, tel que « la place des Femmes est à la cuisine », visant à renforcer ces clichés réducteurs vis-à-vis des Femmes, sont abondamment relayés de manière hilarante sur les réseaux sociaux (Facebook, Tik Tok, Snapchat etc.).

Comment les politiques de développement au Cameroun et en Afrique intègrent-elles la perspective de genre pour promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ?

Ces dix dernières années, les politiques de développement en Afrique, notamment au Cameroun, ont évolué pour intégrer la perspective de genre et promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Le Cameroun a adopté une stratégie nationale pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui vise à promouvoir la participation des femmes à la vie économique et politique du pays. Plusieurs accords ont également été ratifiés par le Cameroun ; entre autres, le protocole de Maputo. Le Cameroun a augmenté la représentation des femmes dans la vie publique de 15% à 30% entre 2015 et 2020, en accord avec le seuil de représentativité, soit 30%, recommandé lors de la conférence de Beijing en 1995. Cette stratégie inclut des mesures telles que la formation et la sensibilisation des femmes aux questions de genre et de leadership, notamment dans les sociotopes dans lesquels elles évoluent.

Toutefois, afin de faire de ces politiques un outil performant de gouvernance et d’intégration d’une démarche intersectionnelle favorable à un développement durable, il est important d’identifier les besoins spécifiques des différents groupes (femmes, jeunes filles, personnes handicapées etc.) d’une région à une autre ou d’une zone à une autre (zone urbaine, rurale, péri-urbaine) pour mieux mener des actions spécifiques adaptées et ayant un impact réel sur les communautés.

Quel rôle les organisations de la société civile et les mouvements féministes jouent-ils dans la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes au Cameroun et en Afrique ?

Les organisations de la société civile et les mouvements féministes jouent un rôle crucial dans la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes en Afrique, notamment au Cameroun. Selon l’Association des Femmes Juristes du Cameroun (AFJC), en 2025, les femmes qui ont bénéficié de leurs programmes de formation et de conseil ont pu améliorer leur situation socio-économique et leur accès à la vie publique.

Cependant, pour optimiser leur impact et leurs actions, il est aussi capital de recommander aux mouvements féministes africains, notamment camerounais, qui se montrent parfois très extrémistes dans leur approche et leur position, notamment sur les réseaux sociaux, de se montrer plus concrets sur le terrain en cultivant un féminisme inclusif et participatif, qui intègre les hommes dans la lutte pour l’égalité des sexes, non plus seulement comme de simples « alliés » , mais désormais comme des « co-acteurs du changement de comportements » (CAC)entendu comme ces hommes qui ont une conscience critique de leurs privilèges et de leurs responsabilités, et qui sont prêts à utiliser leur influence et leurs ressources pour soutenir les femmes et les jeunes filles et promouvoir le changement social. Pour ce faire, ils doivent se professionnaliser et développer des modèles économiques viables, tout en préservant leur âme militante.

Cette professionnalisation des mouvements féministes africains, notamment camerounais, passe par le renforcement de leurs capacités dans des domaines tels que la gestion de projets, la mobilisation des ressources, le suivi-évaluation participatif et la communication stratégique, afin de mieux répondre aux défis actuels et de pérenniser leurs actions dans un contexte de mutations profondes et de gel des financements. Cela leur permettra de mettre en place des programmes et des activités concrets, autonomes et durables, qui auront un impact significatif sur leur environnement et influenceront les politiques publiques en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes au Cameroun et Afrique, surtout dans un contexte où l’on note une recrudescence des féminicides au Cameroun. En adoptant une approche inclusive et collaborative, les mouvements féministes en Afrique en général, et au Cameroun en particulier, pourront créer des synergies avec d’autres acteurs sociaux et économiques, et contribuer ainsi à un développement plus équitable et durable aligné sur les recommandations de l’agenda 2030.

Les meilleures pratiques pour intégrer la perspective de genre dans les programmes de développement et les politiques publiques au Cameroun incluent l’analyse de genre au début de chaque activité et la participation active des femmes à la prise de décision. Selon une étude de l’OCDE, même si les écarts persistent entre les hommes et les femmes, les pays africains qui ont mis en place des politiques de genre ont enregistré des progrès significatifs dans la promotion de l’égalité des sexes.

Comment les changements climatiques affectent-ils les femmes et les communautés rurales au Cameroun et en Afrique, et quelles stratégies peuvent être mises en place pour atténuer ces impacts ?

Les changements climatiques ont des impacts significatifs sur les femmes et les communautés rurales en Afrique, notamment au Cameroun. D’ici à 2050, jusqu’à 158 millions de femmes pourraient être affectées par des conditions de vie encore plus précaires qui les priveront d’accès aux ressources fondamentales. Selon un rapport de la FAO, les changements climatiques pourraient réduire la production agricole en Afrique avec des pertes pouvant atteindre 50% d’ici 2050. Les femmes et les jeunes filles sont souvent les premières à être affectées par les changements climatiques, car elles sont responsables de la gestion des ressources naturelles et de la production alimentaire. Pour atténuer ces impacts, des stratégies peuvent être mises en place, telles que, entre autres, le soutien de l’accès des femmes au foncier, la formation des femmes aux métiers verts décents garantissant une autonomisation économique socialement et économiquement responsable, la promotion de l’agriculture durable, la valorisation de l’économie circulaire et les pratiques agro-écologiques.

Quelles sont les meilleures pratiques pour intégrer la perspective de genre dans les programmes de développement et les politiques publiques au Cameroun et en Afrique, et comment peuvent-elles être mise en œuvre de manière efficace ?

Les meilleures pratiques pour intégrer la perspective de genre dans les programmes de développement et les politiques publiques au Cameroun incluent l’analyse de genre au début de chaque activité et la participation active des femmes à la prise de décision. Selon une étude de l’OCDE, même si les écarts persistent entre les hommes et les femmes, les pays africains qui ont mis en place des politiques de genre ont enregistré des progrès significatifs dans la promotion de l’égalité des sexes.

De manière opérationnelle, pour mettre en œuvre ces politiques de manière efficace, il est crucial de renforcer les capacités du personnel en abordant des thématiques telles que la planification stratégique sensible au genre, la budgétisation sensible au genre basée sur les résultats, le suivi-évaluation participatif et l’analyse des impacts des politiques publiques sur les femmes et les filles. Cela nécessite également une formation continue de toutes les parties prenantes ( OSC, institutions étatiques etc.) sur les questions de genre et de développement, ainsi que sur les outils et les méthodes de travail innovants (tels que l’utilisation de la technologie mobile pour collecter des données, la mise en place de plateformes en ligne pour faciliter l’évaluation et le suivi de la participation des femmes, l’analyse de données pour identifier les disparités entre les sexes et le développement de programmes de formation et de renforcement des capacités pour les femmes et les filles).

Entretien réalisée par

Nadège Christelle BOWA

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