Vaccination au Cameroun : Une arme vitale sous pression financière
Malgré les avancées significatives du Programme élargi de vaccination (Pev), des défis financiers et logistiques menacent la souveraineté vaccinale du Cameroun.

Depuis son lancement en 1974, le Programme Elargi de Vaccination (Pev) du Cameroun a transformé la santé publique en offrant gratuitement des vaccins contre au moins 14 maladies évitables. Grâce à ces efforts, des millions d’enfants ont été protégés contre des maladies tels que la rougeole, la polio, la diphtérie et le paludisme. En 2024, pas moins de 73 151 enfants dits « zéro-dose » ont été vaccinés, marquant une étape importante dans la lutte contre les inégalités en matière de santé. Cependant, les statistiques récentes révèlent des lacunes préoccupantes. En 2024, sur les 1 024 502 enfants attendus, seulement 84,5 % ont reçu les trois doses du vaccin pentavalent (Penta-3), et 81,4 % ont bénéficié de la première dose contre la rougeole et la rubéole (Rr1). Ces taux, bien que respectables, stagnent depuis plusieurs années et masquent les disparités régionales où certains enfants restent totalement exclus des campagnes de vaccination. Par ailleurs, l’introduction du vaccin contre le paludisme en janvier 2024, avec plus de 366 000 doses administrées dans les zones à haut risque, rappelle à quel point la vaccination est un levier essentiel pour réduire les hospitalisations pédiatriques et sauver des vies. Mais pour maintenir ces progrès, le Pev se heurte à des problèmes structurels et financiers qui freinent son expansion.
Défis financiers et logistiques majeurs
Malgré l’appui crucial de partenaires tels que Gavi, l’Oms et l’Unicef, le financement de la vaccination au Cameroun reste insuffisant. Le pays consacre seulement 1,4 % de ses dépenses de santé à l’immunisation, un pourcentage bien inférieur à celui de nombreux autres pays africains. Or, le soutien financier de Gavi prévoit une augmentation progressive de la contribution du Cameroun à mesure que son économie croît. En 2025, l’État est confronté à un retard de paiement de ses obligations de contrepartie, ce qui compromet l’accès aux subventions internationales. Cette situation entraîne des ruptures de stocks évitables, comme celles observées au cours des trois derniers trimestres. Les vaccins cofinancés par Gavi, tels que le Penta-3, dépendent fortement de la contribution nationale, qui reste à zéro pour certains segments comme les vaccins traditionnels et les équipements de la chaîne du froid. Ces retards de financement impactent directement la capacité du Pev à atteindre tous les enfants, en particulier dans les zones rurales ou enclavées. L’absence d’un budget de fonctionnement suffisant pour soutenir la logistique domestique, le stockage des vaccins et la maintenance des équipements aggrave la situation. En outre, les primes du personnel et les frais de gestion des programmes sont souvent sous-financés, limitant la capacité opérationnelle des équipes sur le terrain.
Plaidoyer pour une souveraineté vaccinale
Face à ces défis, un atelier de formation des médias et des organisations de la société civile s’est tenu les 9 et 10 juillet 2025 à Yaoundé, avec pour objectif de renforcer le plaidoyer budgétaire pour garantir la souveraineté vaccinale du Cameroun. Cet atelier organisé par le Service d’appui aux initiatives locales de développement (Saild), a permis de sensibiliser les acteurs clés à la nécessité d’une augmentation annuelle de 20 % du budget national dédié à la vaccination, par rapport au niveau de 2024. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où le Cameroun doit non seulement maintenir ses acquis, comme l’élimination du tétanos maternel et néonatal, mais aussi atteindre des objectifs ambitieux. Parmi eux figurent l’élimination totale de la rougeole, de la fièvre jaune et du syndrome de rubéole congénitale, ainsi que la prévention des infections à Hpv chez 90 % des adolescents pour éradiquer le cancer du col de l’utérus.
En outre, le Pev vise à renforcer le contrôle des infections respiratoires, de la méningite et des diarrhées aiguës chez les nourrissons, tout en atteignant les indicateurs de pré-élimination du paludisme. Mais ces ambitions nécessitent un financement conséquent et durable, sans lequel les progrès risquent de stagner, voire de régresser. À l’heure où le Cameroun aspire à devenir un modèle en matière de vaccination en Afrique centrale, la mobilisation de ressources nationales et internationales est plus cruciale que jamais. Chaque dose compte, non seulement pour sauver des vies, mais aussi pour garantir un avenir plus sain et plus équitable pour les générations futures.
Nadège Christelle BOWA
et Michel NONGA