GENDEROPINIONS

Genre et Migrations : Comment les rapports de genre façonnent-ils les expériences migratoires dans le monde ?

«Comment les rapports de genre façonnent-ils les expériences migratoires dans le monde ? » Cette question, titre de cet article, est au cœur des débats actuels sur les migrations internationales. Dans cet article, Baltazar ATANGANA, expert en genre et développement, explore les liens entre le genre et les migrations, en analysant les spécificités des migrations féminines et les défis auxquels les femmes migrantes sont confrontées à travers le monde.

Le genre, en tant que processus de différenciation et de hiérarchisation entre les sexes, influence les migrations dans le monde de manière significative. Il affecte les raisons du départ, les types de circulation, la ségrégation des marchés du travail au niveau mondial et le franchissement des frontières, entre autres. Les migrations des femmes sont différentes de celles des hommes en raison des rôles et des responsabilités qui leur sont attribués dans la société. Les inégalités de genre conditionnent les possibilités de migration des unes et des autres, créant des disparités dans les expériences migratoires à travers le monde.

Les migrations sont complexes et multiformes, pouvant être volontaires ou forcées, légales ou clandestines, proches ou lointaines, et relever de facteurs tels que le regroupement familial, le travail et/ou l’asile. Les configurations prises par les migrations féminines sont donc multiples et relèvent de facteurs entremêlés. Le genre, dans son sens ordinaire, renvoie à la diversité des expériences migratoires et à la complexité des processus migratoires.

De l’invisibilité des migrantes à la reconnaissance de leur rôle moteur dans les flux migratoires mondiaux

L’intégration d’une perspective genrée dans l’analyse des migrations a été un processus lent à se mettre en place. Pourtant, les femmes ont toujours été présentes dans les flux migratoires, mais elles étaient souvent réduites à des rôles secondaires et invisibilisées. La figure archétypale du migrant était celle de l’homme travailleur qui traversait les frontières pour des raisons économiques et de subsistance.

C’est à partir des années 1990 que l’on a commencé à parler de féminisation de la migration, ce qui semblait indiquer une participation accrue des femmes dans les flux migratoires internationaux. Cependant, une analyse plus approfondie des statistiques révèle que la proportion de femmes dans la population migrante internationale s’est accrue les 30 dernières années. En 2020, sur les 281 millions (3,6 % de la population mondiale) de migrants dans le monde, 48,1 % étaient des femmes.

En effet, de plus en plus de femmes migrent seules, à la recherche d’un emploi, vers des destinations de plus en plus lointaines. Depuis le début des années 1980, un nombre croissant de femmes – célibataires ou mariées, souvent plus instruites que les hommes – sont parties seules chercher un emploi dans d‘autres pays.  Elles sont devenues les pionnières de la migration familiale et, par conséquent, les principales pourvoyeuses de revenus pour les familles restées au pays. Ce phénomène a entraîné une remise en question des rôles traditionnels de genre au sein des ménages et des sociétés.

Les « États du Sud »: des politiques migratoires contrastées

Les politiques migratoires des États ont joué un rôle déterminant dans les configurations des migrations féminines, notamment dans le secteur du soin. Dans les pays riches d’Asie ou du Moyen-Orient, les gouvernements ont mis en place des politiques d’immigration spécifiques pour les employées de maison, répondant ainsi aux besoins de main-d’œuvre dans ce secteur.

Depuis le début des années 1980, un nombre croissant de femmes – célibataires ou mariées, souvent plus instruites que les hommes – sont parties seules chercher un emploi dans d‘autres pays.  Elles sont devenues les pionnières de la migration familiale et, par conséquent, les principales pourvoyeuses de revenus pour les familles restées au pays.

Cependant, ces arrangements se sont révélés souvent précaires pour les travailleuses migrantes, qui ne bénéficient pas toujours des mêmes droits que les citoyens du pays d’accueil ; entre autres, dans les pays comme le Liban.

Dans les pays sources, les politiques migratoires ont été souvent contradictoires, à la fois incitatives et restrictives. Certains gouvernements, comme celui des Philippines, ont institutionnalisé les politiques migratoires pour répondre aux problèmes économiques et d’emplois non résolus, et pour bénéficier des devises envoyées par les travailleuses expatriées. Cependant, ces politiques ont également été marquées par un certain paternalisme, les autorités cherchant à protéger les femmes migrantes tout en restreignant leur mobilité.

Les crises de la reproduction sociale : un défi mondial

Les réformes néolibérales des années 1980-1990 ont entraîné un retrait de l’État dans de nombreux pays du Sud, provoquant une augmentation de la pauvreté et du chômage, ainsi que le démantèlement des structures de soin et de protection sociale. Cette restructuration a conduit à une « crise de la reproduction sociale », caractérisée par la marchandisation des services de soin et la privatisation des responsabilités familiales.

Dans les pays à bas revenus, cette crise a entraîné une augmentation du travail non rémunéré des femmes et des filles au sein des ménages, ainsi que leur entrée sur un marché du travail dégradé et souvent informel. De nombreuses femmes ont également migré vers des pays à revenus plus élevés pour chercher des emplois dans le secteur du soin, créant ainsi des chaînes care mondialisées.

Dans les pays à revenus plus élevés, la crise de la reproduction sociale est également présente, due à l’augmentation des besoins en matière de soin liée au vieillissement de la population, à l’insertion croissante des femmes sur le marché du travail et au fléchissement des politiques sociales. Cela a conduit à une externalisation du travail de soin sur le marché global, avec des femmes de pays et de ménages à plus faibles revenus venant combler les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur domestique.

Ce concept de « chaînes care mondialisées », malgré certaines tendances réductrices, a eu le mérite de mettre en évidence des rapports Nord-Sud plus que jamais persistants (même si les migrations sont surtout internes, c’est-à-dire des campagnes vers les villes, ou s’opèrent de manière intensifiée entre les Suds). Elle met aussi en avant des rapports de classe, de genre et de « race » qui se croisent, se phagocytent et structurent les relations de travail et les flux migratoires.

Les femmes migrantes sont souvent cantonnées à des emplois précaires et peu rémunérateurs, tels que le travail domestique ou les soins aux personnes âgées, qui sont souvent caractérisés par des conditions de travail difficiles et des droits limités. En outre, les femmes migrantes sont plus susceptibles de subir des formes de violence et de discrimination, notamment en raison de leur statut migratoire et de leur genre.

Les migrations féminines : des expériences distinctes et inégales

Les femmes représentent une proportion significative des personnes migrantes dans le monde, soit environ 48,1% des migrants internationaux en 2020. Les expériences de travail et de migration des hommes et des femmes sont toutefois marquées par des disparités profondes, dues à une division sexuée et racisée du travail qui perpétue les inégalités.

Les femmes migrantes sont souvent cantonnées à des emplois précaires et peu rémunérateurs, tels que le travail domestique ou les soins aux personnes âgées, qui sont souvent caractérisés par des conditions de travail difficiles et des droits limités. En outre, les femmes migrantes sont plus susceptibles de subir des formes de violence et de discrimination, notamment en raison de leur statut migratoire et de leur genre.

Tout compte fait, il est essentiel de prendre en compte ces disparités et de mettre en place des politiques qui promeuvent l’égalité des sexes et la protection des droits des femmes migrantes à travers le monde. Par exemple, des programmes et projets tel que le projet « Appui-conseil en matière de politique de migration » mis en œuvre par la coopération allemande au Niger devraient davantage être promus dans les pays en voie de développement.

Baltazar ATANGANA

noahatango@yahoo.ca

Articles Liés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page