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Couverture santé universelle et l’urgence d’une industrie pharmaceutique locale

Face à une dépendance massive à l’importation de médicaments, le Cameroun doit impérativement développer son industrie pharmaceutique pour garantir une Couverture santé universelle efficace et protéger sa population contre les crises sanitaires.

Lors de la conférence de presse tenue le vendredi 8 août 2025 à Yaoundé, en prélude à la 2ᵉ édition de Pharma Expo 2025, Dr Franck Nana, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun, a lancé un vibrant appel pour sauver l’industrie pharmaceutique nationale. Il a dénoncé la dépendance quasi-totale du pays à l’importation de médicaments, une situation qui, selon lui, met en péril la mise en œuvre de la Couverture santé universelle (Csu) et expose gravement le Cameroun aux crises sanitaires mondiales. « Une Csu sans une industrie de base locale sera la mort de notre système », a-t-il averti. Avec plus de 90 % des médicaments consommés sur son territoire importés, le Cameroun se trouve dans une position vulnérable. Cette dépendance limite son autonomie et le rend particulièrement fragile face aux perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales. La pandémie de Covid-19 a révélé les failles d’une telle dépendance, plusieurs pays exportateurs ayant priorisé leurs populations locales.

« Si une épidémie éclate, comment allons-nous produire les médicaments nécessaires ici, au Cameroun, sans dépendre de l’Europe ou d’autres continents ? », s’est interrogé Dr Nana.  La production locale de médicaments reste faible, ne couvrant qu’une infime partie des besoins nationaux. Les lacunes structurelles sont nombreuses : des infrastructures énergétiques inadéquates, une fiscalité inadaptée, des retards administratifs et des taxes élevées qui freinent les initiatives privées. À titre d’exemple, les exonérations fiscales sur les intrants pharmaceutiques, censées encourager la production locale, sont souvent bloquées par des procédures bureaucratiques interminables. Un industriel peut attendre jusqu’à quatre mois pour obtenir des détaxes, paralysant ainsi son activité.

Des modèles inspirants pour le Cameroun

Pour Dr Nana, il est impératif de réorganiser l’écosystème pharmaceutique et de s’inspirer des modèles réussis d’autres pays africains. Le Sénégal, par exemple, produit désormais des vaccins grâce à des partenariats public-privé et à un investissement stratégique dans ses capacités locales. L’Algérie, quant à elle, a développé une industrie pharmaceutique robuste qui allie innovation, production locale et coopération internationale. Le Cameroun peut également tirer parti de ses richesses naturelles et de ses savoirs traditionnels pour développer une industrie pharmaceutique hybride, combinant médecine moderne et pharmacopée africaine. « Nous devons travailler ensemble, chercheurs, industriels, tradipraticiens et décideurs publics, pour développer des médicaments qui répondent aux besoins des Camerounais », a plaidé Dr Nana.

La 2ᵉ édition de Pharma Expo, prévue du 11 au 13 septembre 2025 à Douala, sera une plateforme clé pour engager des discussions sur l’avenir de l’industrie pharmaceutique camerounaise. Placé sous le thème « Import-substitution des médicaments conventionnels, production des Mta : opportunités et défis », ce salon réunira des experts locaux et internationaux, des investisseurs et des décideurs publics.L’objectif principal est de poser les bases d’une industrie pharmaceutique solide et durable, capable de répondre aux besoins de la population et de soutenir la Csu. Le développement de cette industrie pourrait également créer des emplois, renforcer la recherche locale et réduire les coûts des médicaments pour les camerounais. Alors que le gouvernement ambitionne de généraliser l’accès aux soins à travers la Couverture santé universelle, la nécessité d’une production locale de médicaments devient cruciale. « Ce sera l’occasion de catalyser un sursaut national et de garantir à tous les Camerounais un accès équitable aux soins de santé », a conclu Dr Nana.La voie vers l’autosuffisance pharmaceutique est semée d’embûches, mais elle est indispensable pour assurer la souveraineté sanitaire du Cameroun et protéger sa population face aux défis sanitaires actuels et futurs.

Michel NONGA

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