Genre et emploi du temps : Les femmes travaillent plus que les hommes au Cameroun
Au Cameroun, la répartition de la charge domestique est inégale entre les hommes et les femmes. Bien qu’étant engagées dans les activités productives (travail rémunéré), les femmes supportent l’essentiel des tâches reproductives (consacré aux travaux domestiques et autres soins prodigués aux membres de la famille mais non rémunéré). Une étude de l’Institut national de la Statistique (INS) quantifie et donne une valeur numéraire au travail des femmes et des filles dans les ménages.

Contrairement à l’imaginaire populaire, les femmes ont plus de charge de travail que les hommes dans une journée. Cette situation selon une enquête de l’Institut national de la Statistique (INS) donne un avantage aux hommes par rapport aux femmes en ce qui concerne l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. « La population âgée de 10 ans ou plus consacre en moyenne 10% du temps d’une journée à ces travaux. Cette proportion est de 15,2% chez les femmes contre seulement 3,9% chez les hommes, révélant une disparité significative dans la répartition de la charge domestique », constate une enquête réalisée par l’Institut national de la Statistique (INS). Intitulé : « Genre et emploi du temps au Cameroun en 2022 », le rapport publié en juillet 2025, interroge de manière quantitative, « comment est-ce que les individus allouent leur 24 h quotidien ; donne de comprendre les nuances dans l’utilisation du temps par les hommes et les femmes ; et en termes d’analyse selon le genre de mettre en lumière la situation des femmes et des hommes face aux activités productives et surtout aux activités reproductives », résume Marie-France Mfombang, chercheur à l’INS.
L’étude de l’utilisation du temps par les hommes et les femmes au Cameroun, distingue quatre (04) types de temps à savoir : le temps reproductif et d’apprentissage consacré aux activités productives telles que reconnues par le système de comptabilité nationale, ainsi qu’aux activités d’apprentissage ; le temps reproductif (consacré aux travaux domestiques et de soins non rémunérés ) ; le temps de repos qui consacré aux loisirs et aux interactions sociales libres de toute contrainte professionnelle ; et le temps personnel consacré aux soins personnels et à l’entretien du corps). Selon le rapport, pour les femmes qui exercent une activité professionnelle ou « travaillent », la charge supplémentaire importante des tâches domestiques et de soins non rémunérés crée une véritable double journée de travail, révélant une inégalité voire une injustice en ce qui concerne l’utilisation du temps par rapport aux hommes. Cette inégalité se répercute dans la satisfaction quant à la qualité de vie des femmes.
Car, pour se conformer aux exigences sociales et être une « bonne femme », les femmes engagées dans des activités productives pour pourvoir aux besoins du ménage ne sont pas pour autant dispensées de la charge de travaux domestiques et de soins non-rémunérés. Ceci bien souvent au détriment de leur bien-être physique, mental et psychologique. Ce travail « invisible », auquel les femmes consacrent plus du « triple du temps que les hommes, affectent leur performance scolaire ou professionnelle. La situation est encore plus critique pour les femmes au chômage pour lesquelles l’importance de leur temps reproductif les installe dans un cercle vicieux. Considéré par l’imaginaire collectif comme un élément d’inclusion sociale et de réalisation au niveau individuel, le mariage augmenterait la difficulté des femmes à accéder à un emploi. Pour les hommes, les travaux reproductifs sont marginaux.
Une contribution féminine de plus 5000 milliards Fcfa ignorée

Ignorés par le système de comptabilité nationale, « Les travaux domestiques et les soins prodigués aux membres des ménages, des travaux dits « ménagers » constituent un pilier important pour la stabilité des familles, ainsi que pour le développement des économies et des communautés », affirme Marie Pierre Raky Chaupin, représentante Résidente Onu-femmes au Cameroun. Cette agence onusienne a apporté un appui tout au long du processus de collecte, de traitement et d’élaboration du rapport. Dont elle espère que les analyses vont servir de support pour susciter au niveau national, des débats et discussions sur la valeur des travaux de soins non rémunérés et leur impact sur le niveau de vulnérabilité économique et social des femmes et des filles. L’étude révèle que la valeur globale des activités productives ne relevant pas du système de Comptabilité Nationale s’élève à plus de 5 000 milliards de Fcfa en 2022, illustrant l’ampleur des contributions ignorées par l’économie. L’essentiel de cette production non prise en compte dans le PIB est réalisé par les femmes.
Selon l’INS, avec 3 892 milliards de Fcfa, les femmes contribuent à hauteur de 75,6% à cette production invisible. Une comparaison avec la richesse nationale de 2022, estimée à 27 662 milliards de Fcfa, révèle que ces activités productives exclues des comptes nationaux représentent au total 18,6% du PIB, dont 14,1% proviennent des femmes, révélant une économie invisible assez importante. Réalisée à l’occasion de la 5e Enquête Camerounaise auprès des Ménages (Ecam5), après une première en 2014, cette enquête vient alimenter les analyses nécessaires au pilotage et au suivi de la politique Nationale Genre au Cameroun révisée pour la période 2022-2030, sur les questions d’autonomisation économique des femmes, et rendre compte des progrès réalisés dans le cadre de la cible 5.4 des ODD sur la reconnaissance des travaux domestiques et des soins non rémunérés. Dans un précédent rapport intitulé « Genre et marché du travail au Cameroun : Constats et suggestions », publié en janvier 2025, l’INS révèle les inégalités entre hommes et femmes sur le marché local du travail.
Nadège Christelle BOWA