Le non-respect de la loi plombe la préservation du patrimoine forestier au Cameroun
Entre 2022 et 2024, les cas d'exploitation forestière documentés dans les zones du SNOIE (Système Normalisé d’Observation Indépendante Externe) ont entraîné d'importantes présomptions de pertes financières pour l'État du Cameroun. Estimées à plus de 445 millions de Fcfa, elles sont enregistrées dans les départements du Haut Nyong, du Mbam et Kim, de la Sanaga maritime, Océan et Mvila. L’exploitation au-delà des limites des titres légalement attribués ; L'exploitation non autorisée dans les forêts du domaine national ; L’exploitation sans agrément à la profession forestière ; et la corruption sont autant de pratiques qui plombent la gestion durable des forêts au Cameroun.

Bien qu’au Cameroun, comme dans les autres pays du Bassin du Congo, il existe des lois, notamment le code forestier, qui réglementent le secteur de forêt au Cameroun et détermine clairement comment on obtient un titre forestier et surtout donne des prescriptions sur la gestion de ce titre-là, l’exploitation illégale de la ressource forestière persiste. L’observation indépendante et externe relève de nombreuses pratiques qui accentuent la pression sur ces écosystèmes déjà menacés, et fragilisent aussi bien les finances publiques que la gouvernance forestière. Pourtant le Cameroun en matière de politique forestière a opté pour la gestion durable de ses forêts. « Quand on parle de durabilité, c’est la durabilité économique, sociale et environnementale. C’est vraiment dans ce trio que nous devons naviguer pour se rassurer que la manière dont nous gérons aujourd’hui, permettent aux autres générations de pouvoir utiliser ces ressources comme levier pour leur développement et aussi contribuer de façon efficace à l’économie nationale », explique Justin Kamga, Coordonnateur de l’organisation Forêts et Développement (Foder), au cours d’un café science organisé par l’Association des Journalistes et Communicateurs Scientifiques du Cameroun (Scilife).
La rencontre du 30 septembre 2025 à Yaoundé, avait pour thème : l’amélioration de la gouvernance en milieu forestier. « Il y a certains piliers qui soutiennent la gouvernance forestière. Ce sont la transparence, le partage et l’accès à l’information, et la participation », affirme l’expert. Il ajoute : « Le secteur forestier ne saurait être la chasse gardée d’une administration. Tous les acteurs, que ce soit ceux du secteur forestier, des Finances, de l’environnement, et des communautés riveraines à ces ressources naturelles, les acteurs de la société civile, le secteur privé…, tous sont appelés à intervenir pour pouvoir garantir la gestion des forêts ». Les échanges ont également permis de présenter les résultats des rapports des observations indépendantes du Système Normalisé d’Observation Indépendante Externe (SNOIE), effectuées entre janvier 2022 et juin 2024. Soit 25 missions d’observation indépendante externe dans 5 régions dont le Centre, le Littoral, le Sud et l’Est.
Plus de 445 millions de Fcfa évaporés
Il en ressort que durant cette période le Trésor public camerounais a perdu plus de 445 millions de Fcfa en raison de l’exploitation illégale du bois dans les zones du SNOIE. Ces importantes présomptions de pertes financières pour l’État du Cameroun sont précisément estimées à 91 744 760 FCFA dans le Haut Nyong ; 47 208 953 FCFA dans le Mbam et Kim ; et 306 181 027 pour la Sanaga maritime, l’Océan et la Mvila. Au cours de ces missions, l’observation indépendante externe a identifié de nombreuses pratiques qui contribuent à plomber la gestion durable des forêts. Ce sont : l’abattage sans autorisation, l’exploitation dans les forêts du domaine national et les aires protégées. De même, le non-respect des normes environnementales et des cahiers de charges, l’absence de marquage des grumes, la corruption ainsi que la complicité de certaines autorités locales ont été relevés. Ces rapports apprend-t-on, ont été transmises à l’administration compétente et des actions prises dont l’ouverture des contentieux. Les missions de vérification ont permis de contribuer à la réduction des pratiques illégalités dans les zones cibles.
Rendues possibles grâce à l’appui financier de l’Union européenne dans le cadre du programme PAMFOR, ces missions ont été menées par Foder avec la collaboration des OSC partenaires du SNOIE et les communautés. « Nous avons reçu la subvention de l’UE il y a 4 ans, ce qui nous a permis de bâtir des relations avec la société civile, de renforcer leurs capacités, de les accompagner, à créer une interface crédible avec l’administration. Nous avons pu mettre en place le dispositif de coordination et de suivi et d’évaluation de ce projet qui est présidé par le ministère, co-présidé par l’UE avec la participation du ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire », précise Achille Djeagou Tchoffo, Coordonnateur du programme Légalité et gouvernance forestière au World Resource Institute (WRI) pour le Bassin du Congo. Pour les observateurs confrontés aux défis financier et humaines, l’application de la loi et des sanctions dissuasives, reste le meilleur moyen de préserver les forêts du Bassin du Congo en général et celles du Cameroun en particulier.
Nadège Christelle BOWA