BiodiversitéChasse et pêche

Environ 26 % des espèces africaines de poissons d’eau douce en voie de disparaitre

Un chiffre probablement sous-estimé car les données manquent. Peu de gens pensent à l’étonnante diversité des poissons d’eau douce d’Afrique. Pourtant, ils ont traversé les communautés et les cultures du continent pendant des millénaires et sont toujours essentiels à la vie quotidienne de dizaines de millions de personnes, ainsi qu’à la santé générale de leurs écosystèmes d’eau douce. Un rapport du Fonds mondial pour la Nature (WWF) donne l'alerte à quelques jours de la Conférence des parties de la Convention de Ramsar (Cop 15) sur les zones humides.

La 15ème Conférence des Parties (COP15) de la Convention de Ramsar sur les zones humides va se tenir du 23 au 31 juillet 2025 à Victoria Falls, au Zimbabwe. Cette conférence va réunir les gouvernements des États membres de la Convention, ainsi que des observateurs, pour discuter des enjeux liés à la conservation et à la gestion durable des zones humides. Publié en amont de ce rendez-vous qui va déterminer l’avenir de la protection et de la restauration des écosystèmes d’eau douce vitaux, un nouveau rapport du Fonds Mondial pour la Nature (WWF) intitulé « Africa’s Forgotten  Fishes », révèle que 26 % des espèces africaines de poissons d’eau douce sont menacées d’extinction. « Ces déclins sont un signal d’alarme sur l’état de santé de nos écosystèmes d’eau douce, qui sont le véritable système de survie des populations et de la nature », alerte Eric Oyare, Responsable Eau douce pour le WWF Afrique.

Selon lui : « Lorsque ces poissons disparaissent, ce sont bien plus que des espèces que nous perdons : nous perdons la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les moyens de subsistance, l’équilibre des écosystèmes et notre capacité d’adaptation face au changement climatique ». Pour Itai Chibaya, Directeur pays du WWF Zimbabwe, l’avenir des rivières et des poissons d’Afrique est indissociable de celui de ses peuples. « Il faut une action audacieuse lors de la COP15 Ramsar pour restaurer les systèmes de survie de ce continent, en commençant par nos écosystèmes d’eau douce oubliés », invite celui-ci à quelques jours de cet évènement mondial. Les rivières, lacs et zones humides d’Afrique abritent au moins 3281 espèces de poissons d’eau douce. Chaque année, de nouvelles espèces sont découvertes en Afrique – dont 28 en 2024 (Edmondstone et al., 2025). Certaines espèces n’ont pas encore été évaluées, et beaucoup le sont encore peu : 558 sont classées comme Données insuffisantes dans la Liste rouge de l’UICN.

Valeur écologique exceptionnelle

Le continent africain, affirme Eric Oyare, est un foyer mondial de biodiversité en poissons d’eau douce, mais c’est aussi une région à haut risque. Souvent négligés dans les discussions mondiales sur la conservation, les poissons d’eau douce africains sont d’une valeur écologique exceptionnelle. Le rapport met en lumière des espèces extraordinaires à l’instar du : dipneuste africain, qui respire de l’air et peut survivre enterré dans la boue pendant des années de sécheresse ; un cichlidé aveugle du bassin du Congo, adapté à la vie dans des grottes aquatiques souterraines ; les bichirs, appelés « fossiles vivants » dont la lignée précède celle des dinosaures ; et le puissant poisson tigre africain, un prédateur rapide connu pour ses mâchoires puissantes.

Les poissons d’eau douce jouent un rôle essentiel dans la santé des écosystèmes aquatiques. Ils agissent comme prédateurs, herbivores et recycleurs de nutriments. Ils sont aussi la colonne vertébrale des pêcheries continentales dont dépendent des millions de foyers africains, en particulier les plus vulnérables. Mais ces ressources vitales sont mises en péril par de multiples menaces que sont : la destruction des habitats due aux barrages, à la déforestation, aux mines et à la conversion des terres ; la pollution issue de l’agriculture, des zones urbaines et de l’industrie ; les espèces envahissantes et la surpêche, y compris les techniques destructrices comme les filets à moustiques ; le changement climatique, qui modifie les régimes de précipitations, assèche les rivières et réchauffe les lacs. Selon le rapport suscité, partout sur le continent, les populations de poissons d’eau douce sont en chute libre.

Plan d’urgence

Dans la plaine inondable du Zambèze, les captures de certaines espèces clés ont chuté jusqu’à 90 %. Le tilapia « chambo » du lac Malawi – aliment de base et symbole national figurant sur le Kwacha malawien – a quant à lui décliné de 94 %. Au regard de ce constat alarmant, le WWF appelle les gouvernements africains et les parties prenantes à adopter le Plan d’urgence pour la biodiversité d’eau douce. Pour cette organisation, ce plan scientifique et pratique, élaboré par des experts de premier plan, vise à restaurer la santé des écosystèmes d’eau douce et des communautés qui en dépendent. Il repose sur six actions urgentes pour : Permettre aux rivières de s’écouler plus naturellement ; Améliorer la qualité de l’eau ; Protéger et restaurer les habitats et les espèces essentiels ; Mettre fin à l’exploitation non durable des ressources ; Prévenir et maîtriser les espèces exotiques envahissantes ; Supprimer les obstacles fluviaux obsolètes.

Un dipneuste africain © Solomon David Marbled

Ces piliers, soutient Eric Oyare, ont tous été mis en œuvre avec succès dans divers pays à travers le monde. « Avec un leadership audacieux, les pays africains peuvent les adapter à leurs contextes locaux pour garantir la biodiversité d’eau douce pour les générations futures », affirme-t-il. En mettant en exergue des initiatives communautaires réussies en Tanzanie, Zambie, Namibie et ailleurs pour protéger les zones de reproduction, cogérer les pêcheries et restaurer les habitats dégradés, le rapport apporte des raisons d’espérer. De nouveaux cadres mondiaux, comme le Freshwater Challenge, désormais rejoint par 20 pays africains, ouvrent la voie à un avenir plus durable. « Il est temps de ne plus considérer les poissons d’eau douce comme une pensée secondaire. Ils sont au cœur de la biodiversité, du développement et de l’avenir de l’Afrique. Il faut agir maintenant, avant que les rivières ne s’assèchent », déclare Nancy Rapando, Responsable du programme Food Futures du WWF Afrique.

Nadège Christelle BOWA

 

 

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