Développement durable

Cameroun : Le projet SEGPACL en faveur des droits fonciers des peuples autochtones sur les rails

Basé sur un mécanisme financier dédié aux peuples autochtones et communautés locales, le projet de Sécurisation et Gestion durable des terres et forêts des populations autochtones et communautés locales (Segpacl) ambitionne de soutenir ces populations à mieux défendre leurs droits fonciers et forestiers face à la pression qu’elles subissent et l’accaparement de leurs terres pour des projets dits de développement.

Peut-on mieux protéger les forêts, mais aussi respecter les droits des peuples qui vivent dans et surtout de ces forêts ? La question est au centre du projet intitulé : Sécurisation et Gestion durable des terres et forêts des populations autochtones et communautés locales (Segpacl) lancé hier mercredi 10 septembre 2025 à Soa, une ville du département de la Méfou-et-Afamba dans la région du Centre du Cameroun. Soutenu par Tenure Facility qui est « un mécanisme financier dédié aux peuples autochtones et communautés locales pour les aider à mieux défendre leurs droits fonciers et forestiers dans les pays tropicales », renseigne Jolien Schure, Chargée de programmes à Tenure Facility. Mis en œuvre pour une durée de 3 ans avec une possible prorogation de 5 ans supplémentaire, ce projet a pour objectif de renforcer et garantir les droits fonciers et forestiers des populations autochtones et communautés locales des zones protégées et forestières des régions du Sud et de l’Est où vivent les Bagyéli, Bakola et Baka (peuples forestiers), notamment dans la Lobeké, Nki, Boumba Bek, les parcs nationaux de Campo Ma’an, la réserve de faune de Ngoyla et environs.

Jolien Schure, Chargée de programmes à Tenure Facility

On travaille à travers des mécanismes légaux qui existent

…Il est possible vraiment de sécuriser les droits financiers des peuples autochtones pour le Cameroun. On travaille à travers des mécanismes légaux qui sont déjà là. Et le Cameroun a quelques mécanismes qui sont très intéressants. Il y a notamment le MOU qui a été conclu directement entre le MINFOF et Asbabuk, qui est un accord qui dit que les Baka seront à mesure de mieux accéder à leurs forêts, aussi autour et dans les aires protégées à l’Est. Ça, c’est une chose. Il y a la nouvelle loi qui dit aussi qu’il y a des réserves communautaires. Alors on espère aussi développer cela, afin que les peuples autochtones puissent en profiter. Il y a différentes réformes en cours. Il y a aussi la foresterie communautaire notamment, celles où les communautés locales et les peuples autochtones sont des bénéficiaires directs. Alors s’ils fonctionnent bien, c’est une opportunité.

Il sera implémenté par deux organisations regroupant ces populations par le biais d’une structure de financement adaptée avec Green Development Advocates (GDA), agissant comme Sponsor fiscal. « C’est-à-dire que GDA est responsable de gérer les finances à travers ces deux organisations, mais également à travers les alliés de ces organisations qui mettront en œuvre les activités. Mais au-delà de l’aspect financier, nous apportons un appui technique à travers le suivi-évaluation de la mise en œuvre des activités », explique Floriane Carrele Nguena Mawamba, Chargé de programme Monitoring, Evaluation and learning (Pmel) à GDA. Dans sa composante 1 portée par Asbabuk, et présenté par Jean Marie Ondja, Chargé des programmes au sein de cette organisation, le Segpacl entend faciliter l’exercice des droits et coutumes à au moins 40 000 Baka dans et autour des Aires protégées concernées par le MOU Minfof-Asbabuk ; Redynamiser et rendre fonctionnel cinq forêts communautaires (Asdebym, Adebam, Joko, Buma Bo Kpode, Socambo) ; créer deux forêts communautaires ; développer et tester un mécanisme de récupération des terres ancestrales…

Joseph Johnson Bibi, Président Asbabuk

Nous souhaitons un arrangement à l’amiable

Le projet parle de sécurisation des terres. Ce que je vais évoquer comme attente, c’est de voir que les terres de Baka reviennent maintenant aux propriétaires. Pour que ce rêve devienne réalité, nous allons identifier des ménages qui ont des problèmes de terre et passer à l’action. C’est-à-dire, récupérer nos terres qui ont été accaparées par les bantous. Et ça serait vraiment notre devoir. On sait que ce ne sera pas vraiment facile pour nous. Mais notre souhait, ce n’est pas la guerre. Ce que nous aimerons, c’est un arrangement à l’amiable. Ce sera une fierté de voir tous les membres de la communauté s’impliquer dans la mise en œuvre. Et tous les partenaires qui vont nous accompagner aussi dans la mise en œuvre. Que nous soyons tous dans le travail, dans la réussite de ce projet dans l’ensemble.

Améliorer les moyens de subsistance

Selon l’émissaire de Bagyeli Cultural and Development Association (Bacuda), la composante 2 que dirige cette association a pour objectif de contribuer à la sécurisation et gestion des terres ancestrales des populations autochtones et communautés locales vivant autour du Parc National de Campo Ma’an, des agro-industries et autres utilisations des sols dans le département de l’Océan. Il s’agit entre autres « …de soutenir les communautés (20)et une centaine de famille, pour qu’elles intègrent leurs plans d’utilisation des terres dans leurs espaces vitaux pour promouvoir la pharmacopée locale et la planification régionale de l’utilisation des terres ; promouvoir les initiatives de restauration des forêts et les activités de gestion forestière pour permettre une large adhésion et appropriation aux femmes de gérer leurs ressources durables afin d’améliorer leurs moyens de subsistance tout en protégeant le paysage forestier », a-t-il expliqué.

Jeanne Biloa, Présidente de l’association Bacuda

Nous allons mener des plaidoyers

Nous n’avons pas de terre. J’aimerais qu’avant que le projet ne finisse, que les peuples autochtones de la forêt dont les Bagyéli et Bakola, récupèrent les parcelles de forêt que les gens ont arrachées. Pour cela, nous allons nous faire accompagner par la société civile, les ministères, etc. Nous allons mener des plaidoyers au niveau local mais aussi à Yaoundé pour que nos voix soient entendues. Parce que si nous ne collaborons pas avec les ministères, nous ne pourrons pas avoir les résultats que nous attendons.

Plus le temps passe, pour les peuples autochtones des régions du Sud et de l’Est au Cameroun, la problématique de l’accès à la terre reste cruciale. Pourtant le pays abrite une partie des forêts du Bassin du Congo qu’ils ont toujours géré de façon rationnelle et durable, jusqu’à ce que l’avènement des projets d’envergure (exploitations forestières, chemins de fer, agro-industries, etc.), les dépossèdent de ces espaces où ils mènent leurs activités et ont les sites sacrés. Le partenariat entre Tenure Facility et ces deux organisations remet de l’espoir au sein d’une population sous pression foncière à travers ce qui convient d’appeler « un grand programme » qui va leur permettre de mieux vivre dans et autour de ces forêts.

Nadège Christelle BOWA

 

 

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