Célestine Ketcha Courtès : Il y a des richesses dans ces poubelles
Le ministre de l'Habitat et du développement urbain évoque la nécessité d'une gestion durable des déchets urbains, grâce à l'implication de tous les acteurs et à une approche d'économie circulaire pour transformer les déchets en richesses.

Face aux crises récurrentes, quelles sont les solutions durables envisagées pour la gestion des déchets urbains ?
Il faut dire qu’au fil des crises récurrentes, le président de la République a demandé de trouver des solutions durables. Ce n’est pas parce que l’État n’avait pas pris le taureau par les cornes par le passé. Je rappelais d’ailleurs que lors des États généraux de 1990, le Chef de l’État, avec les partenaires, avait mis en place un projet visant à adresser durablement ces questions dans nos villes. Cependant, avec la poussée démographique et l’urbanisation rapide, près de 60 % de nos populations souhaitent vivre à Douala et à Yaoundé. Cela provoque évidemment une surconsommation et une surproduction de déchets. Comme le Chef de l’État l’a souligné, il faut des solutions. L’État en a déjà envisagé, mais elles ont montré leurs limites. La véritable solution réside cependant dans l’implication des populations. Le Chef de l’État l’avait affirmé en 2018 lorsqu’il a fait du développement de notre pays une cause nationale. C’est dans cet esprit que nous avons organisé les États généraux de gestion des ressources en déchets urbains. L’objectif était de réunir tous les acteurs autour de la table : producteurs de déchets, consommateurs pollueurs, autorités administratives, autorités religieuses, maires, experts de la société civile, enseignants, étudiants, et ces jeunes Camerounais qui s’essaient déjà à la transformation des déchets. Dans ces poubelles, il y a des richesses. En adoptant une approche d’économie circulaire, ces déchets, qui représentent 80 % des ordures ménagères, peuvent être transformés en compost biologique. Cela constitue une forme de recyclage et un retour à la consommation qui non seulement protège nos villes en termes d’attractivité, d’embellissement et de respect des infrastructures produites sous l’impulsion du Chef de l’État, mais permet également de préserver la santé et l’environnement. Car des ordures mal gérées peuvent devenir un danger pour la population. Nous pouvons transformer ces ordures en or, protéger l’image de nos villes, améliorer leur attractivité et préserver la santé de nos populations, ce qui est cher au président de la République.
On a souvent l’habitude de ces rencontres qui produisent des idées et des documents, mais aboutissent rarement à des résultats concrets sur le terrain. Comment comptez-vous implémenter les résolutions issues de ces assises ?
Nous avons travaillé de manière très organisée. Il y a eu des contributions recueillies à l’échelle des régions, et je tiens à saluer les gouverneurs qui, à leur niveau, ont réuni tous les acteurs autour de la table pour adresser de manière durable ces problématiques. Au ministère, des experts ont également recueilli des contributions en ligne, parfois même en visioconférence, avec la diaspora et des experts internationaux. Nous avons aussi collaboré avec l’ensemble des ministères concernés, qui ont recueilli des propositions du 15 au 30 avril. Ces contributions ont été examinées et tamisées. Celles qui répondaient aux attentes du président de la République pour régler durablement ces questions ont été retenues. Pendant ces deux jours, nous avons insisté sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une rencontre ordinaire qui se limite à des présentations PowerPoint. Nous savons déjà où se trouve le problème. Nous avons déjà quelques ébauches de solutions grâce aux ateliers que nous avons organisés. Un atelier a été consacré aux questions de gouvernance, un autre aux infrastructures, un autre encore à la mobilisation citoyenne, et enfin, un dernier aux questions de financement.
Il est vrai que les ordures constituent une opportunité pour notre pays, en termes de développement, de création d’emplois et de production de compost biologique, ce qui pourrait limiter les importations d’intrants agricoles. Ces deux jours sont donc consacrés à une réflexion approfondie. Les experts, les maires de communes, les maires de villes, les conseillers régionaux, les présidents des conseils régionaux, les gouverneurs et les préfets se sont réunis pour élaborer des solutions concrètes et durables. Nous devons définir ensemble ce qu’il faut faire à court, moyen et long terme, afin que dans deux, trois, quatre ou cinq ans, nous ne soyons plus confrontés à des crises liées aux ordures. Il est essentiel de dialoguer, de se conseiller mutuellement et d’évaluer les propositions. Car seul celui qui souffre peut expliquer où il a mal et accompagner son traitement. Nous sommes dans cette situation où la crise des ordures a poussé le Chef de l’État, à deux reprises, à exiger des solutions durables. Ces solutions ne peuvent être trouvées qu’avec la participation active de tous les acteurs.
Au-delà des acteurs, avez-vous les moyens financiers nécessaires pour atteindre vos objectifs ?
L’État fait sa part. L’année dernière, près de 24 milliards de Fcfa ont été investis pour aider les populations à se débarrasser de leurs ordures. Cependant, ces 24 milliards ont été utilisés principalement pour acheminer les déchets vers des centres de dépotoir, sans transformation. Aujourd’hui, nous devons réfléchir à des solutions concertées et efficaces qui permettraient de réduire la contribution financière de l’État tout en transformant ces déchets pour les remettre en circulation sous forme de richesse pécuniaire. Nous avons établi des propositions à court, moyen et long terme, en y incluant les coûts. Nous avons également défini des perspectives pour transformer les ordures en richesse et diminuer progressivement le financement de l’État.
Propos recueillis
par Michel NONGA